mercredi 11 novembre 2015

Célébrités et sape 3

Souleymane Faye, musicien
Jules failles
Les habitués des soirées de Souleymane Faye ont certainement une fois entendu cette facétie: « Avant, quand on chassait le chat guettant l’os qui traîne, il détale. Avec la conjoncture, il répond à son empêcheur de tourner en rond "ki loumouy wakh ni" (qu’est ce qu’il raconte le gars ?) ». Ce n’est pas seulement le chat qui souffre du contexte économique mondial. Les frusques  de l’interprète de « Sogui » ne grèveraient pas le budget de quelques braves et bonnes gens des « prisonniers de Troyes ».  Jules chante le beau. Il a même loué les qualités de la belle dame qui faisait ses adieux et l’autre, Aminata, qu’il aimait mais qui le rebutait.

Qu’il porte une valise sur la scène au beau milieu de sa performance, qu’il nous rappelle nos vieilles  inclinations vestimentaires « dénudées », n’en font donc pas un loufoque. Il a juste choisi de s’ajuster moins, de s’accoutrer plus qu’il ne s’habille, de porter des lunettes plus grosses  que celles de l’arrière d’un véhicule, d’avoir une coiffure négligée.  Il lui arrive, dans ses extravagances artistiques, de se « parer » comme un génie (ce qu’il est) amateur de vieilles fripes. Le génie, il est insaisissable. Il ne faut pas croire à sa folie, ni à ce qu’il laisse transparaître. A une de ses soirées à Mbour, nous fûmes surpris d’entendre Souleymane dire ceci à un fane qui voulait se prendre en photo avec lui : « le selfie, ce n’est pas pour les gars qui n’ont pas bonne mine, "soril ko" ». Son image, le « musulmenteur » y tient plus que ses « inconvenances » ne le laissent penser. La polit-il davantage que sa communication osée dans une société du paraître où la différence est la première cause de la marginalisation ? C’est une question qu’il ne se pose peut-être pas mais dont la réponse pourrait faire qu’on entendît moins cette lassante rengaine : « et pourtant, il chante bien ». Nos distingués snobs, autant que la vieille garde qu’il a enchantée, se délecteront davantage de sa merveilleuse musique que de ses « écarts de goût ».

Serigne Dia Bombardier, lutteur
Roi de l’arène, roitelet de la sape
N’allez pas chercher très loin. Le colosse de Mbour vous agace pour deux raisons. Il démythifie vos héros. Bombardier (celui qui lui a soufflé ce pseudonyme n’a pas rendu service) vous a fait découvrir que Tyson tenait beaucoup à son minois et à ses molaires et canines. Que Balla, le chouchou des groupies, fait bombance et s’embourgeoise. Que Modou Lô, on peut le couver comme dans un nichoir bien qu’il apporte de la fraîcheur dans un milieu où Gargantua et Hercule seraient moins tournés en bourrique que célébrés. C’est le gars qui se fait la peau du champion pour se la faire piquer par celui qu’on ne croyait pas pouvoir soulever son veston. Mais le roi des arènes, ancien briseur d’arêtes, contrarie davantage par ses « tenues d’apparat ». Ça effarouche autant que sa malhabile « carcasse ».
On peut se mouvoir comme un bulldozer (nos excuses Monsieur Bulldozer), se coiffer comme un collégien aux narines envahies par la coke (merci Sidy Le Soleil), ressembler au portail d’un bunker et se dire « vraiment, moi là, B52, je vais être plus chirurgical que le bombardier américain au pays d’Aschraf Ghani » ! Ce n’est pas difficile. Héraclès en a fait plus. Le problème est moins dans le croisé, le deux ou six boutons, le cintré ou le droit, il est dans le choix des couleurs, dans la posture, dans cette démarche peu altière (Sur ce point, il peut faire un tour chez son souffre-douleur, Tyson, s’il ne prend ses jambes à son cou). La personnalité que confère un costume est moindre par rapport à celle qu’on veut dégager soi-même. Le diable…le chic plutôt, est dans les détails. Il suffit juste de savoir les assortir pour qu’ils ne s’égarent pas dans un corps à dompter comme on le ferait avec un buffle dans une représentation de danse classique. Le corps en parfaite harmonie avec la mise, le sourire…et la coiffure (les Béguines ont de la marge). Franchement Bomb, même les caricaturistes de Chaka, le Zulu, ont fait mieux que ton coiffeur. Il faut le virer (tu trouveras un job mon gars, il te fait de la mauvaise pub !).
4/10. Au moyen âge, la note aurait certainement été plus à la mesure de ton talent (ou de ta masse) car paraît-il, on aimait ceux qui, quoi qu’ils fissent, laissaient transparaître le burlesque, le mauvais goût. C’était pour se désopiler après avoir trimé. On sait que tu as la carapace dure. Tu t’es fait bastonner par le colosse du Baol cuit depuis dans l’huile de la Suneor (takh ci ripp !).Cela ne t’a pas empêché d’être roi des arènes. Nous comptons sur ton sursaut d’orgueil pour arrêter de prendre l’horreur pour de la grâce.

Palla Mbengue, homme d’affaires
Pâle Mbengue
Un matin (pour faire romantique, c’était le soir), alors que les sénégalais friands de spectacles son et lumière s’extasiaient devant la magnificence de la chorégraphie Goumbé et Ndawrabine (danses lébou pour nos parisianisés), Palla se mit à l’écart. Quelques « copies pissées » le suivirent, sortirent les calepins et les plumes, tendirent les micros et fixèrent les objectifs sur lui (Et il aime ça !). Le patron de « Lébougui voyage » fit une grande révélation : « J’aime les Lébous, c’est ma vie ». Peuh ! Et puis, il pleura si fort qu’on eut cru à un « show d’adieu ». La plus insensible des jouvencelles aurait succombé à son charme -ses sanglots, nous voulions dire- à moins que sa tronche et sa mise ne la désenchantent. Paventinus n’aurait pas aimé qu’il s’acoquine avec ses mômes. Usons d’euphémismes, le « garçon » est émotif. Il pleure comme une madeleine. Avec Palla, ça frime plus que ça ne rime ! Ça lui fera de la peine mais entre « peuples de la mer » (c’est le machin qu’il a dégoté depuis que la lutte ne rapporte plus et que Cheikh Kanté lui a enlevé la sucette), il faut qu’on se dise certaines choses quand même.
La première, c’est que quand on porte un joli costume (encore un euphémisme), on n’est pas obligé de mettre une cravate aussi grosse que l’accordéon de Pablo Moustafa. C’est comme la chienlit des chutes litigieuses de ce qu’on a appelé ici « sport de chez nous ». Ça va dans tous les sens.  On tombe en transe. On crie sa joie. On ressasse sa poisse (ésotérique). On (se) cogne. Et puis, on oublie l’essentiel ; communier avec soi-même en se gaussant du génie ridicule pour rendre grâce au Ciel d’être de l’autre coté de la barrière. On ne s’habille pas pour se couvrir le corps seulement, c’est pour être en harmonie avec celui-ci, dompter ses imperfections et farder ses traits qu’on n’ignore pas qu’ils auraient pu être mieux sculptés par le Seigneur. Il suffit juste de lire le monde plus qu’on ne se regarde le nombril (Contraste saisissant avec les ministres légèrement habillés et Palla paradant, avant-hier, sous ce chaud soleil de la plage de Yarakh où seules ses bottes, « pour étaler sa très grande compassion », semblaient rendre compte du sinistre).
La deuxième chose... Non, arrêtons-nous en là avant que le promoteur de lutte ne déprime dans la solitude de sa chambre. Mais rappelons-lui cette légende de l’antiquité. Dans la mythologie grecque, Athéna écorcha vif Pallas le géant (comme qui dirait…) et fit de sa peau une cuirasse qu’elle revêtit…L’histoire ne dit pas si elle la rendit plus impressionnante. Il arrive que la camelote, dans certaines circonstances, fascine davantage que le luxe (ou de ce que l’on croit en relever). 6/10…pour cette âme sensible que « nous, peuples de la mer, aimons aussi ».



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