jeudi 26 novembre 2015

Plan Sénégal émergent : Ndongo Samba Sylla décèle quelques failles

Ndongo Samba Sylla entouré de Mme Sonko et de  M. Thierno Diop.
L’émergence économique, expliquée dans le contexte sénégalais, a forcément des relents politiques, des analyses qui transcendent parfois les idéologies et les approches techniques. Elle implique, de la part des gouvernants et des intellectuels, de l’accommoder aux réalités des peuples d’Afrique. Elle exige, au risque de paraître libertaire, une déconstruction des concepts qui nous sont venus d’ailleurs. C’est toute la substance des idées émises par l’économiste Ndongo Samba Sylla, invité hier, au carrefour d’actualité du Centre d’études des sciences et techniques de l’information.
L’Afrique et les pays dits sous-développés ne sont pas tenus de s’approprier des concepts dont ils ne sont pas les auteurs. La bonne gouvernance, « un fourre-tout », selon le conférencier, doit être explicitée, repensée, si elle ne disparaît de l'imagerie collective passive, pour qu’elle ne soit plus une épée de Damoclès  sur la tête des pays du tiers-monde. Le vice champion du monde de scrabble ne s’enthousiasme pas outre mesure face à un « Plan Sénégal émergent incohérent et peu ambitieux » écrit par des mains étrangères gracieusement rémunérées.

lundi 16 novembre 2015

Les nouveaux polichinelles de la sape


Quand le coureur de jupons drague une crédule demoiselle, il lui chuchote qu’elle est plus torride que Rihanna, plus pimpante que Beyonce. Ou pour faire local, sa tronche mieux « sculptée » par le Seigneur que celle de Vivi ex Ndour, sa silhouette plus fine que celle de Coumba Gawlo, ses formes plus généreuses que celles d’Arame Thioye, la poitrine plus… (Tout doux, on est dans un pays de croyants). C’est un jeu de dupe et de pipeau. Mais en voulant  abusivement jouer avec les flammes de la pulsion, de l’impulsion, on finit souvent dans « des couvertures en bandes de coton, sur une claie de jonc tissé et consolidé par des lattes » (Abdoulaye Sadji, Tounka). N’galka Guèye, illustre descendant d’une légendaire famille, « merveilleux pêcheur et lutteur grandiose », subit ce triste sort. N’galka disait prétentieusement ceci : « Moi, me marier sur la terre ferme, avec une fille des hommes ? Mon épouse viendra de la mer, je veux des enfants qui ajoutent à ma science l’hérédité supérieure des maîtres de la mer ». Cela le perdit.  Yves Niang aussi avait présomptueusement dit être le plus « branché » des chanteurs de la banlieue, le mieux habillé. Parfois, les subtilités de la langue wolof ou française peuvent nous faire énoncer des choses qui trahissent nos pensées. Le gars voulait certainement dire « mieux accoutré ». Le problème, c’est qu’il croit pouvoir enfiler le « pyjama » mieux que Michael Jackson qui ne faisait que ça dans la vie.
A trop convoiter les étoiles sans savoir à quoi elles ressemblent, on ramasse au bout de la nuit, un cône, une coquille ou peut-être la fortune sans savoir quoi en faire. La nouvelle vague d’artistes-chanteurs (et parfois certaines « anciennes gloires ». Gorgui Ndiaye par exemple se déguise comme un adolescent qui vient de s’affranchir de la tutelle parentale), s’entiche du ridicule pour nous apparaître plus niaise que ne le laissent penser les thèmes abordés dans leurs chansons.  Leurs vidéos sont devenues des plateaux d’exhibition du burlesque. Le caprice vestimentaire de l’artiste est permis quand il nous parle, quand il a une valeur symbolique au-delà des « amusantes » et insolites tendances de la mode dont Waly et ses « coreligionnaires » sont épris. Sous d’autres cieux, on doit certainement se moquer du nègre qui singe comme on railla Battling Siki du temps de ses extravagances de nouveau rupin parmi les Toubabs. Ici, c’est notre champion. C’est toujours Mbarick Fall. Pour eux, c’était juste un drôle de personnage qui suscita leur curiosité. Une brute qui aimait leurs insignifiantes choses, qui les amusait comme un chimpanzé jouant au dandy. Finalement,  ils n’étaient subjugués  que par le boxeur à la poigne ravageuse. Leur « plagiaire » les égayait tout au plus.

Ne tenez pas trop compte de ce que vous venez de lire. C’est un pathétique et aigri has been qui se lâche sur des  « gamins » choyés et friqués qui sortent avec de tentantes nanas qu’il ne voit qu’à la télé. Tenez bon. Quelques surexcités groupies du pays que chantait Mbissane Ngom vous témoignent admiration ! C’est largement suffisant ! Vous n’avez que faire d’une carrière internationale comme Ismael Lô, Baaba Maal et autres…C’est la vieille garde ça !

samedi 14 novembre 2015

Célébrités et sape

Ibrahima Sène, PIT
Ibrahima, comme sur une « Sène » !
Macky, nous l’aimons bien, mais parfois, il retombe dans la munificence légendaire de son vieux mentor (même s’il s’est pris d’affection maintenant pour la vieille garde râleuse). Avec un peu d’inspiration, il aurait compris que quelques chemises bien repassées et pantalons plus plaisants à zieuter que ceux des gardiens de troupeaux aux Etats-Unis, les cow-boys, suffiraient à combler de bonheur le colosse à la voix rocailleuse du Parti de l’inélégance et du toc(Pit). Mais, prési a préféré le nommer à la tête de la société des mines de fer du Sénégal oriental (Miferso). Il y a un sérieux problème dans ce parti de gauche (c’est une inspiration divine, c’est carrément gauche). On se coltine pendant des années le vieux Dansokho (merci, nos oreilles bourdonnent un peu moins) que seuls quelques plaisantins et nostalgiques de Majhemout Diop écoutaient. Ensuite, on nous sort Maguette Thiam (qui ne parle pas plus fort que nos khalifes généraux) pour nous rappeler les vieilles frusques que chantait Doudou Sow. L’autre, bâti à chaux et à sable, et un peu plus jeune, n’est pas mieux loti. Il paraît que sa ravissante fille, Lena, s’effarouchait à sa vue (c’est pourquoi, elle serait repartie après avoir joué à la mascotte pour Ndaamal Kajoor). C’est une chose qu’il peut éviter hein ! Il suffit juste de s’habiller plus qu’il ne s’accoutre.
Ibrahima Sène est natif de Saint-Louis. Il a aussi, paraît-il,  tâté le micro pour quelques notes de salsa au lycée (ne vous moquez pas). Les salseros et les ndar-ndar, on nous le rabâche souvent, sont des gens raffinés. Comment alors le colosse a pu dévier de ce chemin ? Staline s’habillait mal (en même temps, avec sa taille de nabot…). Mao se cachait derrière sa révolution culturelle, on peut lui pardonner la variante du costume Zhongshan. Toutefois, il ne faut pas abuser de la parodie jusqu’à « l’auto flagellation », cher Ibou.

Crédules mômes, quand nous regardions le clip d’Ismael Lo, « Dibi dibi rek », nous éprouvions de la commisération pour cette femme qui parcourait le désert. Nous avions peur qu’elle meure de soif et de faim. Aujourd’hui, devenus de grands garçons, nous nous extasions sur sa beauté aguichante, sur sa mise sauvage qui ne l’enlaidit point. Passez-moi ce délire. Ibrahima Sène, pour nous, alors fougueux adolescents, c’était cette plume acerbe et noble sur laquelle nous n’arrivions pas à poser un visage. Nous aurions aimé ne pas percer le mystère. Ne perdons pas du temps à lui dire qu’il doit adopter un nouveau style, qu’il doit mieux s’habiller, raser la barbe un peu plus souvent. Il ne le fera pas. Filons-lui un 5/10. Ce, pour lui donner une petite chance au prochain renouvellement du Pit (c’est trop dire, vous avez raison). Il parait que Maguette veut débarrasser le plancher (yagu fi, yaxu fi, toju fi, il est mort).

Aida Samb, musicienne
Aida fait sa mue
La petite fille du grand Samba Diabaré, Aida Samb, disait sur un plateau de télévision, au début de sa « fulgurance », qu’elle n’était pas à l’aise dans son déguisement (ce n’est pas péjoratif chers amis, l’artiste, si ce n’est trop dire, se déguise), qu’elle se sentait un peu à l’étroit. Elle aurait même pleuré.  Aida était (ou est) prude. Mais, son staff voulait qu’elle parût moins « ringarde », moins bégueule. L’interprète de « Saraba » finit par s’y plaire. Elle troqua marinière et autres de chez nous pour des tenues beaucoup plus « toubab ». Depuis, nos dévots regarderaient moins ses clips. Ils  en parlent tout de même (ils ont vu de loin quoi !). Et puis franchement, « messieurs exaltés confidents de Dieu », il y a pire comme « exubérance diabolique » au pays de la Terang ! Entre « Saraba et « Lula nex »,  Aida passe de petite fille presque pudibonde à aguichante musicienne à la silhouette affinée, drapée de « coupons » tout aussi agressifs. Elle en a fait écarquiller des yeux même si Aida, on le sait tous, ne sera pas dauphine de miss Ambroise Gomis. Sénégal, nous voulions dire.
Omar Ndao (paix à son âme) nous a laissé une leçon de vie qui, à première lecture, semble même parfois grivoise pour les esprits bornés, étroits. Il disait (et mieux que nous nous employons à le faire en ce moment) que quelque part dans le monde, on ne nettoie que les mains après avoir « arrosé » la pissotière. Ici, beaucoup d’entre nous se limitent à laver le sexe. L’idéal serait qu’on se « rince » à la fois les indociles organes et les mains qui caressent, saluent, étreignent, nourrissent... C’est un échange. Il n’est pas question de singer. Il faut trouver cet équilibre qui fait qu’on reste soi-même tout en ne répugnant pas à emprunter à l’autre ce dont dame nature, dans sa partiale générosité , ne nous a pas gratifiés. Aida est devenue plus éclatante, plus sexy et certainement plus courtisée que jamais par les dons Juans de ndakaaru et s’habille plus court (vous ne trouvez pas que c’est plus mignon que la « toile » qui couvre le visage et tout le corps de certaines dames sous un soleil de plomb, et ramasse les souillures de nos insalubres rues ?). Mais sa mue est tellement brusque qu’elle relève presque du burlesque. Louis Maigron semblait excuser l’artiste (on a du mal à nommer ainsi certains de nos musiciens) de suivre à peu près son caprice vestimentaire dans une certaine époque. Toutefois, il est de bon ton pour un « produit à exhiber » de se donner une image de marque au-delà de ses prédispositions naturelles et des « épidémies de mode ». Aida nous enchanterait davantage. Mais, tu es encore jeune, lula nex nex nañu, baca kanam ! C’est lassant de traduire à chaque fois. Demandez au gars toujours bien sapé et sans un sou qui attend toujours que vous finissiez de lire pour vous piquer votre « Soleil ». Il est en train de zyeuter, faites gaffe.

Souleymane Ndèné Ndiaye, homme politique
Ndéné, nini
Avec  Wade en 2012, Ndéné, le directeur de campagne, est noyé par la déferlante vague marron, quelques indestructibles faire-valoir et  jeunes fougueux (peut-être là un euphémisme). Il se rebiffe et se présente aux locales, à Kaolack. Guinguineo devenait trop étroit pour lui. Il mordit la poussière. Comble d’infortune, le parti démocratique sénégalais n’en a pas voulu pour le rendez-vous de 2017. Il crée l’Union nationale pour le peuple (On nous l’a soufflé ! on n’est pas obligé de se les mettre tous dans la caboche, ces 200 partis et des poussières !) qui ne décolle toujours pas. Heureusement, Jules peut  tirer orgueil de sa garde-robe en se calfeutrant dans son dressing pour retrouver le béguin, la flamme. Faudrait-il juste qu’il en jouisse convenablement.
On a envie de demander au dernier premier ministre de Gorgui ceci : what is the problem ? Encore qu’il n’a pas « une poitrine de moineau, des épaules peu fournies, de petits bras arqués recouverts d’une peau molle et grasse…des jambes de bancal » comme Diouldé (Tierno Monénembo, crapauds-brousse). Il lui faut juste un style surfant entre le chic de Madické Niang et le soft de Moustapha Mamba Guirassy (la craie oblige). Mais quand on veut aligner le chic et le « casual », il faut s’y prendre tout doux. Ça peut être moins allusif que les anamnèses de Roland Barthes.  Une petite casquette Nike, Adidas, Puma –ou que sais-je-  assortie à une veste qui ne sied guère, ça saute aux yeux du plus malhabile monstre de la nippe. Et pour un « gars » attaché à son « rang aristocratique», ça peut faire tilt.
Mais n’allons pas lui faire boire le bouillon si goulûment. Il y en a de ces choses qui lui vont à merveille et qui font ressortir ses traits physiques que pourrait lui envier un autre ténor du barreau si « tendre » avec Souleymane ! Les costumes au fond rayé avec des manches et revers fignolés ou encore les boubous traditionnels agrémentent sa belle silhouette. Et puis franchement, il n’y a pas à se faire du mouron quoi. Le chic choque ou enchante autant que la loque. Du moment qu’il nous parle… Si vous ne le blairez pas, reconnaissez quand même que ses lunettes à verres correcteurs-si elles corrigent- donnent plus de somptuosité à son allure.
Pour entretenir un rêve, celui là présidentiel, nous lui filons la note de 6,75/10. En espérant que son « sang royal » ne se muera pas en « sang d’encre ».

Les petits "cinémas" de quartier font de la resistance

Pour certains, regarder un film, confortablement vautrés dans la bergère de leur salon, relève de la banalité. D’autres, pour jouir de ce plaisir, avec beaucoup moins de confort,  doivent investir les minuscules « cinémas » de quartier nichés dans des locaux qui ont plus l’aspect d’une remise, d’un garage que d’un lieu de détente.
A l’intérieur de ce carré chaud certainement prédestiné au garage,  il fait sombre. Un bon arôme ne s’y dégage pas. Les bancs ne sont pas confortables. Le ventilateur participe juste à l’affreux décor. Il ne rafraîchit plus. Le rideau aussi est malpropre. Pour un rendez-vous galant, on n’y  songerait certainement pas. Malgré tout, des  gens trouvent, dans cette atmosphère peu enviable, le bonheur ; celui de regarder un film avec des amis, des inconnus. Dans le populeux quartier de Grand Yoff, A. D. gère ce « petit cinéma » depuis trois mois en l’absence du propriétaire. Il ne s’en sort pas mal car « j’arrive à récolter entre 6000 et 7000 francs par jour et à m’acquitter de mes factures d’électricité à hauteur de 25000 francs en moyenne par mois », murmure-t-il, le sourire crispé. Ici, l’envahissante technologie ne menace pas encore les affaires !
Sur une affichette, il est indiqué le programme du jour. A 18 heures, les cinéphiles de « l’indigénat » ont droit à un film hindou, « Zanjeer ». Il leur faut débourser 100 francs, 50 de moins s’il s’agit d’un film « américain », généralement moins long. Les enfants du quartier et quelques badauds en raffolent. Des adultes désireux de « tromper le temps aussi », précise A. D., très prudent quand il s’agit de parler de l’impact de ses films sur la scolarité des enfants. Adolphe Gomis, lycéen et parmi ses plus fidèles clients, le tire d’embarras : « Cela ne constitue en rien un obstacle pour mes études. Mes camarades et moi ne venons ici que le samedi et le dimanche ou pendant les vacances. Nous n’avons pas les chaînes diffusant ces films ».
A côté de lui, des « mômes », sans doute moins avertis, font une partie de baby-foot. Le gérant ne s’en émeut point. Encore moins de leurs cris et de leurs fréquentes empoignades. Sa besace le préoccupe davantage. « Leurs parents ne m’ont jamais fait de reproches. Il y a pire comme loisir pour un enfant ». C’est certainement moins dangereux que jouer au « petit camp » sur une route bitumée comme il est « permis » dans ce quartier aux rues encombrées de détritus, de petits commerces, de mécaniciens… Se sont-ils au moins intéressés aux contenus des films proposés à leurs rejetons ? Sous le couvert de l’anonymat, cette mère de famille avoue n’y avoir jamais pensé. Le « tenancier » se prévaut de sa moralité. La pornographie ? « Que Dieu m’en préserve », s’écrie-t-il, incommodé.
Film hindou 100 francs, américain 50
Ailleurs, à Yeumbeul, autre quartier de Dakar fourmillant de monde, de petits métiers, de vies, Lamine Fall tient un « petit cinéma » dans un garage près de la station-service de Darou Salam. Ici, viennent glander quelques talibés. Ils y laissent leur obole pour noyer leur infortune. Mais Lamine, au verbe beau et plutôt enthousiaste et dégourdi, jure leur en faire cadeau souvent. Ces mendiants fréquentent les lieux le jeudi et le vendredi. Un rideau noir sépare le « petit cinéma » à l’intérieur duquel sont dressés des bancs, et la salle de jeux équipée de cinq playstations. Un téléviseur est perché sur un support métallique. Il y règne un silence de cathédrale. Les yeux sont rivés sur le petit écran. « L’écran géant est tombé en panne », informe M. Fall. Celui du Centre communautaire « Galle nanondiral », se trouvant à quelques encablures de là, lui, n’en est pas affecté.
Ce centre, disposant d’une bibliothèque, d’une salle informatique, d’une école, d’un terrain de basket…, est créé, en 1986, par l’église évangélique luthérienne du Sénégal. Il offre relativement un meilleur confort tout en appliquant les mêmes tarifs. On n’y projette des films que durant le mois de ramadan ou pendant la trêve des championnats européens de football préférés au septième art. La clientèle est principalement constituée de « talibés » et de jeunes de Yeumbeul. Les revenus sont, aujourd’hui, moins importants à cause des « petits cinémas de quartier » et surtout de la prolifération des branchements clandestins, même si « la vocation du centre est plutôt sociale », indique Mouhamadou Wone, gérant de la salle de projection depuis 1998.

A Dakar, il faudrait peut-être commencer à s’intéresser aux petits plaisirs des « petites gens ». Les disparités sociales ne résident pas seulement dans l’aisance choquante des uns et la promiscuité ambiante chez les autres. Il est dans ce que les uns et les autres s’inventent comme passions, comme vies. Le loisir a une géographie. Il relève davantage des conditions sociales que des sensibilités culturelles. Aujourd’hui plus qu’hier.

jeudi 12 novembre 2015

Mamadou Mbaye Garmi : la mémoire sociale du Sénégal


Quand ses petits camarades de jeu imitaient les stars du football, d’autres celles du cinéma, Mamadou Mbaye, lui, mimait le geste enjolivé, le pas majestueux et le verbe transcendant des grands griots qui apaisent les esprits et conquièrent les cœurs de pierre et d’or. Il tire parti de son talent en se forgeant une personnalité aux traits enchanteurs, en se traçant une ligne de conduite qu’il s’échine à suivre. L’animateur de l’émission « les mémoires du Sénégal », ce n’est pas seulement cet homme qui éveille et égaye ses congénères ou loue le bienfaiteur. Il est aussi coloré qu’imbu de vertus. La vieille garde ne l’a-t-il pas surnommé « garmi », celui-là dont on dit qu’il est noble sous nos cieux ?

Allo ! Je termine ma toilette et puis je suis à vous ! Cela a pris un peu de temps. On a compris ensuite la raison quand on l’a vu. Il en imposait dans son grand boubou bleu assorti à des chaussures de même couleur et au bonnet doré qui rendait la garniture plus harmonieuse. Dans son cocon douillet, Mamadou se  « désencombre » soigneusement et très vite de son froufrou jeté sur un des fauteuils de son salon. Mais il a gardé tout l’éclat d’un griot de sa trempe. Comme on l’entend sur les ondes. Comme on le voit à l’écran.
Si on devait classer les griots, Garmi serait de la catégorie des moralistes au verbe beau et plaisant. Ne les appelle-t-on pas sous d’autres cieux « antidotes des forces du mal » ? Ici, comme ailleurs, ils revigorent le plus engourdi des hommes. Pour y arriver, Mamadou Mbaye ne cite pas Nietzsche, comme le ferait le philosophe, ou comme s’y plairait  l’homme de lettres, Molière. Il puise dans le fonds culturel et traditionnel sénégalais pour donner vie et sens aux choses, légitimer un statut ou ses propres dires souvent entrecoupés par des « tics » devenus des marques déposées ; celles-là qui ont fait tilt dans les chaumières férues de « petites » manières. Na biir, eh Mbaye, c’est comme de douces rengaines qui l’inspirent. Il est stylé. Il fait rire et réfléchir.
Ni cancre, ni génie,  chasseur de laax
Mamadou Mbaye est né à Niarry Tally, « quartier de beaucoup de nobles de ce pays », comme il aime à le ressasser. Il tire aussi gloire d’être baptisé, comme tous les mômes de sa génération, par Imam Dramé enterré dans l’enceinte de la mosquée de Niarry Tally sur instruction du président Abdou Diouf. A l’époque, tous les notables  adressaient des vœux au Seigneur dans un verre d’eau que le nouveau-né devait « s’abreuver ». Serait-ce là le secret de son succès ? « Masha Allah », marmonne-t-il, sourire aux lèvres, en guise de réponse.
Son enfance fut à la fois joyeuse et parsemée d’embûches. Mais rien, même après deux échecs au concours d’entrée en sixième, ne pouvait entamer le moral et la ténacité du besogneux garçon couvé par une grand-mère paternelle, Arame Ndao Guèye et son époux El hadj Atou Guèye,  « le bienfaiteur des bonnes gens, de sa caste et des miséreux », se rappelle l’ancien « potache » de l’école Biscuiterie, fier. Fierté qui illumine son visage quand il raconte cette anecdote comme pour dire au monde que son statut de communicateur traditionnel n’est pas usurpé bien que ses géniteurs, une discrète ménagère et un maître-tailleur des « gens distingués », n’aient pas pratiqué le milieu. Laissons-le plutôt dérouler. Il le fait si bien : « ma grand-mère, Arame Ndao Guèye, était une grande griotte. C’est elle qui faisait la cuisine lors des cérémonies. A la récréation, avec quelques camarades, je la retrouvais pour me délecter du laax (bouillie) dans une louche. A l’heure du déjeuner, elle me mettait du riz dans un pot de tomate ou sur un couvercle. Je commençais alors à déambuler dans la cour comme tout bon griot au contact des grandes personnes ». La flamme le dévore.
El hadj Mansour, ce mentor
Le virus a atteint le corps et l’esprit. Mais le jeune Mamadou doit se trouver une voie. Le pater ne veut pas qu’il soit couturier comme lui. Il embrasse le métier de ferronnier qui lui a permis de « fonder une famille, de baptiser certains de mes enfants », révèle-t-il, si souvent heureux de passer devant ses œuvres. Toutefois, cette envie viscérale de ressembler à certaines gens raffinées aux boubous bien empesés, à la fragrance envoûtante, aux « phrasés » exquis, demeure dans un coin de la tête de Mamadou devenu coquet adulte.  « J’étais si pénétré de ces valeurs esthétiques, de ces manières raffinées, que je guettais, tous les jours, El hadj Mansour Mbaye qui n’habitait pas loin de chez moi, pour l’apercevoir avec sa mise soignée ».
Môme, il joue ailier pour voir de plus près celui qu’il appelle affectueusement « gardien du temple ». La nuit, celui qui se fera appeler, plus tard, griot du troisième millénaire, se laisse bercer par les émissions de son mentor, par les notes des « ndaanaan » qu’il « distillait mieux que quiconque dans sa tranche horaire », détaille-t-il pour montrer son attachement et témoigner sa gratitude à la figure tutélaire des communicateurs traditionnels. Celle-ci le lui rend bien en l’associant à toutes les prises de décision dans leur « coterie » et en lui prodiguant de sages conseils. L’affection qu’il voue au défunt Abdoulaye Nar Samb, une autre personnalité colorée des porteurs de nouvelles, est également profonde. Ces références, il ne les parodie pas. Elles l’inspirent. Son parcours, presque similaire, sous plusieurs aspects, à ceux de ces éminences du monde des griots en est une illustration achevée.
Une percée fulgurante
Comme ses devanciers, Mamadou Mbaye n’est pas allé chercher la radio. Celle-ci l’a trouvé. Son éloquence et ses persuasives harangues l’en prédisposaient. Le hasard, s’il existe, l’a mené vers des hommes de médias qui l’ont choyé et fait découvrir aux Sénégalais. Le visage illuminé, Garmi relate cette fortune comme s’il venait de la vivre. C’était en 2000, mais il n’a rien oublié : « Alors que j’étais tiraillé entre ma passion du micro, du discours qui galvanise et l’atelier de métallerie dont il fallait m’occuper, Lamine Nar Tafsir Khaya me proposa de venir travailler à la radio. Je n’y avais pas prêté une importance particulière mais lui y tenait. Il me mit en rapport avec le directeur de la radio 7 Fm, Adama Sow, qui tomba sous le charme de ma voix. J’y rejoignis El hadj Thierno Ndiaye et Ibra Ndiaye Niokhobaye pour animer l’émission de lutte Penc Lamb ji ». La suite a été comme sur des roulettes, majestueuse.
Après la rupture entre les promoteurs de 7 Fm, Youssou Ndour, « cette noble créature » que Garmi se plait à rappeler la grandeur d’âme, la générosité et la modestie, le reprend de « sa propre initiative et sans intermédiaire cette fois-ci», s’honore- t-il, à la nouvelle radio qu’il venait de lancer, Sport Fm. Il en a été ainsi quand le chanteur a créé le Groupe futurs médias. Aujourd’hui, auditeurs et téléspectateurs savourent sa maîtrise du legs des aïeux et sa maestria.
La politique, ce bourbier de mes amis
Ce monogame qui raffole de « ceebu jën » autant qu’il abhorre ceux qui ne peuvent pas garder un secret ou qui dénigrent le moins offrant, s’est un peu essayé à la politique. Il « chauffait » le micro central lors des manifestations du Parti socialiste. Depuis, il voue une admiration particulière au défunt patron des jeunes socialistes, Pape Babacar Mbaye. « Quand le président Abdou Diouf à qui j’ai récemment rendu hommage les recevait, j’étais toujours présent », se souvient-il. Aujourd’hui, il a pris un peu de distance mais garde de solides attaches dans le paysage politique en général. « Je suis républicain », tranche-t-il. Qu’en est-il de sa relation avec le premier des républicains ? Son compagnonnage avec mon ami Youssou Ndour me ravit. J’estime son excellence Macky Sall  et il me le rend bien », se contente-t-il de dire. Avec Abdoulaye Wade et l’ancien président du sénat, les rapports ont été tout aussi cordiaux. Le leader de Bokk guis guis l’a envoyé aux lieux saints de l’Islam.  

Cette âme sensible qui n’aime pas regarder les films au risque de « se transformer en acteur » prépare un livre qui retrace le parcours de certaines grandes figures sénégalaises. Ne dit-on pas si fréquemment que les griots sont des courroies de transmission, la mémoire sociale du groupe ? Sa mémoire d’éléphant, elle, lui rappelle ce jour heureux où il a croisé, à la Mecque, sa fille, son gendre et son petit-fils. Le malheur n’est pas dans son jargon. Il préfère parler de ce qui fait vivre, l’espoir. Pour sa progéniture, son rêve, est qu’elle soit en mesure de reprendre le flambeau, celui-là de la dignité, de l’honneur. Qu’elle ait moins de prestance ne l’effraie guère. Qu’elle répète moins des « eh Mbaye » à tout bout de…ravissement et d’ébahissement, non plus. « L’essentiel est qu’elle épouse les valeurs essentielles », les siennes, voulait-il certainement dire, par pure modestie. 

Spectacle de fin de stage international de danse. Les bonnes graines sortent des sables

L’Ecole des Sables a organisé, ce mardi, à Toubab Dialaw, son spectacle de fin de stage professionnel international des danses  d’Afrique et de sa Diaspora. Cette représentation, sous la direction artistique de Patrick Acogny, a mis en vedette trente cinq danseurs professionnels des cinq continents après un stage. Ils ont mis leur génie au service d’une idée porteuse qui prend en charge les aspirations de l’humanité à travers l’expression corporelle. Le thème, « danses noires, entre engagement et résistance », est, dans ce sens, assez explicite et épouse la généreuse ambition de Germaine Acogny pour l’Afrique et le monde.

Une minute de silence à la mémoire de celui dont la baguette inspirait les corps, Doudou Ndiaye Rose. C’est la seule fois où les visages ont paru attristés. Par la suite,  le souvenir affligeant s’est noyé dans le ravissement ; celui de voir le corps gémir, s’engager, résister, crier ses peines, haines et déveines, ses folles amours et créer avec l’autre une alchimie que le vocabulaire humain ne peut exprimer. Trente cinq jeunes se sont mis à dire à l’humanité, à travers un langage poétique exquis magistralement conçu d’abord par l’Espagnole Aida Colmenero Diaz, que le mouvement ne dépend guère de l’environnement sonore. L’expression corporelle, si elle n’est déjà cadence, se libère du diktat du rythme. Le tam-tam, dans son « boucan » de fureur, de joie, assourdit moins qu’il n’apaise pour faire voyager le spectateur dans un monde où on bouge mieux. Le feulement du tigre, comme s’y sont essayées ces graines du pas enchanteur, n’effraie pas. Il témoigne du potentiel harmonique des choses et des êtres qui nous entourent.
L’hystérie du loup solitaire ou de la meute peut égayer autant qu’elle agace. Cela dépend de la sensibilité de qui les épie. Le « sabar » ne les détourne pas de leur proie désarmée et déconcertée par les prouesses du corps et du chorégraphe ivoirien Saky Tchébé Bertand. Le phrasé est régulier. Les fluctuations sont exécutées avec amplitude. De temps en temps, la musique trimbale les pas qui s’envolent dans un univers incertain ou déchirent le sol d’une Afrique résistante, d’une humanité porteuse d’un idéal, d’un engagement. Le directeur artistique, Patrick Acogny, éclairé par le douloureux passé des siens, ne parle-t-il pas subtilement de « dialogues triangulaires entre danses d’Afrique, de la diaspora noire, d’Europe et d’Amérique » ? Il fut un sombre âge où la référence à cette figure géométrique était malheureuse, où la danse exprimait l’attachement à des valeurs d’un terroir perdu. Sur la scène, les pieds ébauchent un monde apaisé, les mains un univers en communion. Celles du public applaudissent. Il a fallu parfois qu’on le tempère.
Le corps, un espace de résistance
Le burlesque et la brusquerie ne traduisent pas la haine. Ils témoignent des différences qu’il faut percer pour s’imprégner davantage de son être. On nomme les choses d’une voix déterminée, comme on crierait son infortune et sa délivrance, pour enfin  laisser le soin à la « carcasse » de la montrer : « j’ai de petits seins, j’ai un grand cœur ». L’être et le paraître s’imbriquent. Qui saurait mieux le rendre que ses 35 jeunes corps ruisselant de sueur devant la figure tutélaire, Germaine Acogny ? Le spectacle l’éventa davantage que l’éventail dont elle s’enticha durant toute la représentation.
L’insolite se mêle à l’absurde pour qui ne comprend pas le langage des signes accompagnant les pas parfois « soulagés » par la caverneuse voix d’une danseuse. On sent la respiration de son voisin. Elle berce les spectateurs et s’en va vers le verdoyant paysage faisant face à la scène. La chorégraphe,  Chantal Loïal, fait  « tourner le public  en bourrique ». Le rythme est imprimé par les envies et « parfois c’est bon ou c’est pas bon ». L’assistance résiste davantage aux battements de « sabar » qu’aux allusions comiques, quelquefois ironiques des danseurs. Elle exulte. Elle en a eu pour sa patience quand H. Patten, chorégraphe jamaïcain, a savouré « la victoire sur l’oppression » pour entrevoir le futur ; celui là qui enrichit le langage de l’expression corporelle. Le reggae, il ne se danse pas seulement avec des dreadlocks ou en bondissant. Le contraste sur la scène est saisissant. Il est sublime.

La dernière pièce, sortie de l’inspiration de la sénégalaise Ramatoulaye Sarr, met en scène une ronde au milieu de laquelle se succèdent les danseurs assis sur des tabourets pour offrir au public autre délire que « raas », ceebu jën, na goore» (danses sénégalaises). Les performances sont aussi variées que les nationalités des stagiaires. Ne parle-t-on pas ici de « déconstruction des danses patrimoniales africaines ». L’Ecole des sables ne s’est pas limitée à déconstruire, elle a donné sens à ce qui paraissait anodin à nos yeux, à nos rapports avec les symboles, les coutumes, les croyances. Celles là qui disaient que le ciel boudait face aux rythmes électrisés du tam-tam sont mises en doute. Le ciel s’est extasié en ouvrant ses « vannes » après jouissance des notes de « sabar ». Il a rendu grâce à Germaine. Elle ne convoite pas les honneurs. Mais la nation serait très inspirée de les lui rendre.

Monument de la renaissance africaine. Le ciel s’éclaircit au dessus du colosse


Ceux qui voyaient en « Dupont et Demba » la marque d’un gigantisme des mégalopoles seront étonnés devant l’immensité du monument de la renaissance africaine. Il en impose par sa taille et le symbole qu’elle incarne ; celui d’une Afrique entreprenante. Au début, presque laissée à elle-même, cette réalisation est entourée aujourd’hui d’un peu plus d’égards. Les réactions « primaires » s’essoufflent pour faire de la place à l’émerveillement.

Le temps a fait son œuvre. Le colosse ne languit plus de solitude. Des enfants se laissent glisser sur les toboggans de circonstance bordant les premières des cent quatre vingt dix huit marches d’escalier qui ne rebutent point une tenace sexagénaire. Son ardeur traduit son désir d’assouvir sa curiosité. Le monument de la renaissance africaine, pour elle, « c’était juste le truc qui avait suscité un tollé ». Elle ne déboule pas l’escalier. La téméraire s’essouffle mais y arrive. En contrebas, un jeune patineur, de loin plus fringant, enlève sa paire de rollers après des tours sur la piste qu’il ne se dispute pas avec des automobilistes. A l’instar des marchands d’art  et des taximen d’au-delà des barrières ou des quelques vendeurs de sachets d’eau et de cacahuètes,  des photographes guettent des visiteurs désireux de s’immortaliser avec la statue nichée sur la colline de Ouakam. Ici, il y a de la vie malgré un ciel menaçant et la chaleur étouffante de l’après midi. La nuit, la fraicheur, le parfum des fleurs et l’hospitalière lumière dont celle scintillante émanant du bonnet du « père » en font une zone d’attraction.
Vers 18 heures, comme s’ils se l’étaient murmuré, des individus, pour l’essentiel des étrangers, prennent d’assaut le monument pour une visite guidée. Dans l’attente des guides occupés à faire découvrir les lieux aux premiers venus, les visiteurs s’émerveillent devant des écrans vidéo du rez-de-chaussée reconstituant le processus de réalisation de la plus grande statue au monde parmi celles que l’on peut visiter de l’intérieur. Les grandes figures ayant participé à l’exaltation de la dignité de l’homme noir, à l’affirmation de la terre de ses aïeux et représentées dans le hall, au delà des identités géographiques, témoignent de la vocation de cette œuvre en cuivre ; celle d’être une « chose de l’Afrique audacieuse, de sa diaspora, un patrimoine de l’humanité »,  dit Abdoulaye Racine Senghor, honoré d’en être l’administrateur depuis 2014.
L’Afrique se parle à l’intérieur du monument
Du « belvédère » se logeant dans la tête du « père » aux immenses  biceps, on aperçoit, à travers les baies vitrées, l’énorme « enfant » de cinquante tonnes et redécouvre Dakar sous un jour nouveau. Le « papa » en pèse deux fois plus alors que la « maman » en a trente de moins que ce dernier. Au troisième étage, c’est la « réunification » des grandes familles libérales et socialistes. Les présidents Macky Sall et Abdoulaye Wade sont magnifiquement représentés cote à cote. Il en est ainsi de Léopold Sédar Senghor et d’Abdou Diouf. La salle du trône offerte par l’Angola avec des objets authentiques appartenant à une famille royale sonne comme une volonté pour l’Afrique de s’approprier une œuvre qui lui est dédiée. Elle est davantage exprimée au deuxième palier dans la salle présidentielle. A l’intérieur de celle-ci, la culture réussit ce que la politique et les entités économiques ne sont pas jusqu’ici parvenus à réaliser : les échanges sud-sud. Ici, ils sont culturels.
On trouve, dans cette salle, le masque Kran du Libéria, celui des cultures du Burkina Faso, l’échelle du peuple dogon au Mali, du Ghana, le fragment de la porte de non retour de Wida au Bénin, la natte de la Mauritanie, une tapisserie de la manufacture de Thiès majestueusement décorés par l’ex première dame du Sénégal, Viviane Wade. Un espace insonorisé y est également aménagé pour des projections de films pour enfants et des séances de conte.
Au premier étage, à travers l’exposition « socio-sculpture » de Djibril Goudiaby, c’est le dialogue des cultures sénégalaises dans leur diversité, dans ce qu’elles montrent de plus impénétrable. Il est prévu d’ailleurs de la faire connaître au public. « Les expositions sont ouvertes à tous les artistes. L’essentiel est qu’elles soient prometteuses », prévient l’administrateur.
Les sénégalais devraient se l’approprier davantage
David, un anglais, flanqué de sa fiancée, est surpris d’entendre que de nombreux sénégalais vivant à Dakar ne savent pas que le monument se visite de l’intérieur. « Il est gigantesque. Il gagnerait à être mieux connu parce qu’il exprime, dans toute sa magnificence, le génie de l’homme. Je ne pouvais pas venir jusqu’à Dakar, après avoir fait des kilomètres, sans le visiter ». dit-il, subjugué. Pourtant, à quelques mètres de là, cette réalisation achevée depuis 2010, c’est comme le suaire qu’on aperçoit de loin. Le corps qu’il enveloppe est un mystère que les « populations sénégalaises gagneraient à percer. Nous aimerions qu’elles se l’approprient davantage », regrette Oumou Khairy Seck, à la tête du département marketing depuis un an.  « La politique menée auprès des établissements scolaires porte ses fruits. Nous leur accordons quelques facilités d’accès. Les élèves montrent plus d’enthousiasme. Nous prévoyons également un spot publicitaire pour les chaînes de télévision et les radios en plus des prospectus que nous donnons aux visiteurs ». ajoute-t-elle. C’est une évidence, la communication passe mieux aujourd’hui que la controverse autour de l’opportunité de cette statue est beaucoup moins soutenue.
Dans le tintamarre qui a accompagné sa réalisation, il s’est posé la question de la rentabilité. Elle est mal formulée selon l’administrateur : « Les retombées ne sont pas seulement financières. L’épanouissement des gens n’est pas quantifiable. L’aspect pécuniaire est moins essentiel que la portée culturelle, symbolique du monument et les réflexions utiles dont nous ne pouvons nous dispenser et qu’il nous incite à porter pour la définition d’une conscience africaine à installer tournée vers l’émergence. Il joue un rôle de  galvanisation ». L’espace de jeu pour les enfants prévu sur la colline est également une stratégie de « captation » de la jeunesse à qui, selon M. Senghor, il faut  « inculquer des valeurs culturelles » lui permettant de s’approprier ses figures et ses symboles.
Certains grands événements qui y sont organisés font plus de la publicité au monument qu’ils ne constituent des rentrées d’argent. Le colosse en pâtit moins que le tollé qu’il avait suscité. Mais, il peut rendre grâce au Ciel d’être désigné par son nom aujourd’hui. On l’appelle de moins en moins, sous le ton de la raillerie, « monument Abdoulaye Wade ».  





mercredi 11 novembre 2015

Sape et célébrités

Augustin Tine, APR, ministre des forces armées
Augustin piéTINE
Il parait que quand il parle à ses militants de Fandène, c’est comme  Abubakar Chekau en train de galvaniser ses Boko Haramers. Ils font un somme pendant son propos et se réveillent pour aller poser des bombes. Avec Augustin, aussi, c’est la même rengaine. C’est barbant quoi ! « Mesdames, messieurs, on est là aujourd’hui…». Il a pourtant gagné les élections dans son bled. Les pauvres, ils doivent vraiment s’ennuyer. Côté nippe, ça ne donne pas non plus trop envie de zieuter.  C’est moins chirurgical (il est dentiste. ses patients ont dû souffrir le martyre. Quand le toubib vous sourit, ça rassure)
Ousman Blondin Diop disait de l’élite technocratique postindépendance qu’elle avait la « certitude de détenir à elle seule les solutions des problèmes ». L’ancien de Ngazobil, lui, en crée davantage. Prière, madame, de revoir la mise de monsieur avant qu’il ne mette les pieds dehors. Faites en un devoir patriotique. A  moins que ce soit du garde-à-vous à la maison. L’ennemi a été identifié (histoire de rester dans le jargon militaire). C’est lui ! Erreur de frappe. Lâchons plutôt les bombes sur ses costumes aux manches anormalement longues, le col et les revers peu bien apprêtés, les cravates aventureuses, ses pantalons –osons le dire- bouffants, le bas plus froncé que l’entrejambe créant parfois des plis creux et aux relevés vieillots. Envisageons de le mettre en treillis pour que le supplice des yeux ne les énuclée un matin. Encore qu’il n’est ni fils d’Apollon le Grec ni descendant de Venus la romaine. Faudrait-il, en dernier  ressort, supplier  nos « Diambars » en partance pour l’Arabie Saoudite (Tiens, on n’en parle plus là) de le déposer chez Matteo Renzi. Repos !
Notre ministre des forces armées est moins « désarmé » avec le boubou traditionnel qui lui donne moins l’allure d’un raide maréchal de camp. Et si Macky nommait Diouma Dieng premier ministre ! L’ami de Thierno Alassane Sall, avec son 5.5/10, passerait certainement à la trappe au prochain remaniement.

Alioune Mbaye Nder, musicien
Alors Nder, à quand la douce « transhumance » vestimentaire ?
Quand on loue la miséricorde du Seigneur des religions monothéistes, le dévot est en interaction avec l’imaginaire « collectif ». Parfois, il pleure toutes les larmes de son corps. Quand c’est le maître bienfaiteur, le mortel, sous nos cieux, qu’il faut encenser, les exaltés, quelquefois des larbins, marmonnent leur acquiescement, entrent en transe et étalent leur générosité. Le louangeur doit savoir en profiter avant qu’ils ne se rendent compte du manège « institutionnalisé ». Ailleurs (ou toujours), en politique, on vous tourne en bourrique. Il faut s’assurer que le mors est bien en métal. Le pur sang (même s’il n’y en a pas chez les bourriques) est impétueux. Il boit l’obstacle ou vous jette à terre au beau milieu d’une nature hostile. Le thuriféraire plus avide que fasciné qui se complaisait dans de fausses espérances  ne se relèvera que grâce à sa ténacité et à sa capacité à s’adapter à la nouvelle configuration de son cadre d’expression qu’il avait déserté (Ou du moins qu’il ne réintégrait que pour nous apprendre que sa majesté est une divinité). Les férus des petits plaisirs de la Cour de France sous la Régence de Philippe d’Orléans y sont parvenus. Pourquoi pas l’ex rossignol des prairies bleues ? Il peut aussi choisir de cajoler les hommes de cour. Il faudra alors faire face à Doudou Ndiaye Mbengue !
Nder nous dit qu’il a traversé beaucoup de difficultés. Nous aussi, nous avons été peinés par sa « mue ». Il devra en faire une autre. Pendant son  « errance », on a appris à mieux s’habiller. On ne porte plus de casquette avec n’importe quelle mise, même pour dissimuler une tête chauve. La bouffonnerie est la chasse gardée de la nouvelle vague. Le salut est dans la transition que le roi du Mbalax est train de réussir en enfilant par exemple des costumes à la fois smart et « casual », en alliant le chic et le décontracté. Il ne s’agit pas non plus d’adopter la solennité vaniteuse des goûts de Karim Guéye le « ndar ndar » ou de faire du « no look ». Le talent ne suffit plus au pays de la Téranga où on célèbre Ouzin « Barigo » et où on ne connait pas la défunte Aminata Fall, où on s’excite devant des « amazones » et autres « gazelles » aux mouvements extravagants et délaisse celle qui  leur donne une signification à Toubab Dialaw.
La pratique esthétique est complexe. Elle traduit la maturité (ou non) de celui qui la cultive. C’est tout un ensemble homogène (la gestuelle, la posture…) qui détermine le rapport à l’autre. L’artiste doit se donner une identité - pas forcément loufoque - qui témoigne de son état d’esprit, de l’évolution de son corps (ce corps qui prend de l’âge. Yen a qui pensent  à Johnny Hallyday mais là c’est autre chose), de son art, de son environnement sociologique. Le Mbalax a ses exigences vestimentaires. Nder, il faut t’y mettre, « boul yakh sa palakh ». Tu es talentueux.


Alias Diallo, musicien
El Capo de la frime
Sidy Le Soleil, (Laissez-passer), nous rappelait récemment l’histoire de cette allemande que l’époux propret a tellement agacée qu’elle s’est résolue à demander le divorce. Il y a de ces êtres qui ne font rien dans les proportions normales. Ils en disent (Et dire c’est faire selon John Austin) toujours un peu plus. Parfois beaucoup moins. Permettez-moi de vous ennuyer avec mes anecdotes de ma barbante vie dakaroise. Quand mon cousin et moi obtînmes le bac (je me demande comment il a fait), nous nous inscrivîmes à l’Université Catastrophiquement Archaïque de Dakar (Ucad), au Centre de formation de jets de pierres et de techniques de défense aux grenades lacrymogènes. Ne disposant pas d’un logement au campus universitaire, nous quittions, chaque matin, les Parcelles à assainir pour nous y rendre. Mon cousin était friand d’anecdotes. Il en donnait souvent. Un jour, sur le chemin du retour, pour une insignifiante histoire de monnaie, il se bagarra avec le receveur du bus. Arrivé à la maison,  le visage boursouflé, oubliant qu’on avait partagé le même bus, il raconta la correction qu’il avait infligée au receveur. Moi, ce n’était pas ce que j’avais vu. Il était imbu de sa personne (tu m’excuseras « couz » si tu lis ces quelques lignes. Je voulais te le dire depuis longtemps mais puisque t’es un colosse…). Parfois, il suffisait juste qu’il se tût pour qu’on le complimentât pour sa mise ou qu’on le raillât moins. Ses drôles de mimiques, son exubérance de style  et ses extravagances « juvéniles » exaspéreraient plus qu’elles ne fascineraient des groupies surexcités. Et pourtant, il se croyait si bien fringant, si bien endimanché. C’est à se demander s’il ne prenait pas la pestilence pour de la fragrance. Aujourd’hui, le pédant a fait sa mue. Pour me souvenir des excentricités de mon cousin, il me suffit juste de passer une vidéo d’Alias Diallo, le précurseur du « Salsa Jalgati » (Allez savoir. James Gadiaga et le super Cayor nous avaient bien vendu un tel machin, le « Salsa Mbalax ». Et pour ne pas rabâcher la même chose, Alias y accole la danse préférée de nos éphémères héros de 2002). El Capo (lui, il dit que cela signifie « chef suprême » mais puisque je m’étais chamaillé avec mon prof d’espagnol…), ne veut rien faire comme les autres. Et cela lui joue des tours trop souvent. Un jour, il débarque sur un plateau de télévision couvert du « drapeau » des Pays Bas (Bon, disons costume quoi !) pour nous dire ceci : « Qu’il vente, qu’il neige, je porte toujours un costume, même lors de la fête de Tabaski. J’en mettrai quatre-vingts le jour de mon anniversaire au Théâtre national Daniel Sorano (on n’a pas regardé pour vérifier). J’ai trente costumes sur mesure dans mon armoire. J’aime la belle vie. Je joue plus que tous les musiciens sénégalais. Je suis d’une autre génération mais les jeunes (qui aimaient aussi Ndiogou loula intéressé, Badou Ndiaye et adulent Ouzin Barigo pour autre chose que leurs notes) raffolent de mes spectacles… ». Lequel de tes spectacles ? Quand tu chantes et danses ton salsa jalgati ou quand tu joues au baladin, à nous faire pouffer de rire, kaaw hoto watt, mais puisque netto ko bandoum…je m’en arrête là.


Célébrités et sape

Me Madické Niang, ancien ministre
Madické, maître ès élégances
Joueur de foot, il aurait certainement demandé une dérogation à la Fifa pour jouer en costume ou en boubou merveilleusement empesé. A quoi devait-on s’attendre franchement avec un « ndar-ndar » friqué ? Pas de souci Madické, la Crei est en hibernation ! Revenons à nos étoffes, c’est plus relaxant. Dans la dèche, le dernier ministre des affaires étrangères sous le régime libéral, c’est le « gars qui s’acoquine » avec le cireur ou le coiffeur du coin pour de petits forfaits. Il est un homme raffiné. Le smart-casual, il ne connait pas. L’entremetteur de Wade auprès de Touba est trop habillé. Quelquefois, ça peut être un problème.
Mille balles à celui qui l’a une fois aperçu en chemise, en polo, la cravate desserrée ! Ce n’est pas Madické ça. Le style décontracté, ce n’est pas trop sa marotte. Le jean, ce serait un supplice pour celui chez qui Laye Wade crèche.  Il préfère mettre ses costumes classe. Les pochettes de ses vestes aux plis souvent en pointe et assorties aux chemises lui donnent un peu plus de punch (vieux de la vieille garde de la sape, il aurait sans doute préféré qu’on dît élégance). Ses lunettes y participent. Ne les enlevez surtout pas maître. Nous vous aimons mieux avec. Il est une fois arrivé qu’on vous confonde avec quelqu’un d’autre. Vous n’en tirerez pas gloire.

Madické, il faut qu’il pense à varier sa garde-robe quand même. Sait-on jamais, avec les manifestations annoncées de ses copains du Fpdr, il est plus commode de prendre ses jambes à son cou avec un polo, une chemise qu’avec un costume trois pièces ! Pour qu’il se lâche un peu, il lui est accordé une note de 7.5/10. Sinon, il aurait tapé plus fort. C’est sûr.

Abdoulaye Wade
Gorgui fait de la résistance
On disait de lui, à l’instar d’un autre panafricain Kwame Nkrumah, qu’il était atteint de mégalomanie. Il nous a laissé, par exemple, un colosse sur une de nos collines malgré le tollé qu’il a suscité. Le seul aspect sur lequel l’« ami » de l’extrême gauche sénégalaise (c’est du pipeau mais appelons le comme ça) n’a jamais défrayé la chronique avec exubérance, c’est sur son port vestimentaire. Le bonheur, le père de Sindiely l’a trouvé dans la transition opposition-pouvoir en gardant tout de même un brin de style distingué qui lui est propre. N’allez pas imaginer des choses. L’afro, ce n’était pas dans ses cordes ! Cela ne fait pas partie de la kyrielle de promesses qu’il nous avait faite. La « défroque » avec ses bretelles qui lui avaient valu quelques mimétismes bien inspirés, est  jetée dans le bac à ordures du voisin.
Les costumes sur mesure avec souvent des pochettes assorties à ses chemises lui confèrent une allure plus jeune que… (Disons le vieux routier Dansokho !). On ne peut pas lui chercher noise avec les revers, les manches, l’assortiment…Tata Viviane a assuré ! Par contre, avec l’abacost, c’est moins bien réussi. La veste de l’abacost est parfois longue et lui donne l’air d’un patriarche dans une lugubre gérontocratie. Elle ne reflète pas la personnalité très relâchée de l’ancien président. Ce style subsaharien est en tout cas moins abouti que le boubou traditionnel avec l’écharpe autour du cou. Son « poupon », Karim, semble d’ailleurs s’en être bien inspiré depuis quelques temps. Le nouveau locataire…de la place de l’obélisque, ce n’est pas apollon mais c’est select !  C’est « njomboor » !
Nous lui filons la même note que son logeur, Me Madické Niang, 7.5/10. Ça nous éviterait une rixe dans leur cocon douillet de Fann résidence.

Eh hadj Ndiaye, artiste musicien
El hadj des « anar » vestimentaires
Massigui aime Karmen d’une manière quasi obsessionnelle, insaisissable. Il lui « pardonne », sans remontrance, ses incartades. Et la volage Karmen n’abhorre pas sa compagnie égayante. Massigui, c’est le genre de personnage qui vous manque quand il n’est pas là et agace par son assiduité et sa prévisibilité. Il débarque toujours avec ses nippes, ses dithyrambes et ses manières disgracieuses qui distraient plus qu’ils ne suscitent apitoiement. « Dou merr dou guedd » (il ne fait pas la tête).  C’est plus qu’un ami et moins qu’un amant. Les prétendants ne le blairent pas ; lui, aimerait les étrangler. Dans le film Karmen Geï de Joseph Gaï Ramaka, Massigui, c’est El hadj Ndiaye, l’interprète de « Boor Yi » ou si vous voulez de « Bonjour ça va comment va la santé ». Le personnage et la personne s’imbriquent sous plusieurs traits. Il chante dans la vraie vie. Dans la fiction, les cœurs des férus de bonnes notes battent la chamade. Qu’il se nomme Massigui, El hadj ou tout autre nom que Sembène Ousmane a bien voulu lui donner (Camp Thiaroye et Guelwaar dans une moindre mesure), cet ami de la nature se donne une liberté vestimentaire aussi osée que le style musical qu’il a adopté dans un pays friand de « vacarme », de « tassou » et de « bongo ».
Les boutons, chez lui, sont des accessoires encombrants. Le tailleur pouvait ne pas se triturer les méninges à vouloir les assortir à ses « sabadors » si peu pimpants. Quand il a débarqué à la soirée de son ami Wasis Diop (qui n’est pas beaucoup mieux loti non plus. Mais, lui, on le sait, c’est un toubab qui parle wolof) à l’institut culturel Léopold Sédar Senghor pour reprendre ensemble le morceau « Jiné ji », Elhadj donnait l’impression de venir tout droit de ses champs (décidemment c’est un touche-à-tout). Ce jour là, il portait un « falzar » plus ample que les robes des mamies, amies de Jacques le maire honoraire, porteuses de pancartes de la place Protêt. Il parait que Mbaye « tenguedj » n’aime plus aborder le machin dont il s’occupe quand il ne « migre » pas.  Nos plates excuses Diop.  
A force de contempler les arbres, on finit par s’éprendre des écorces dont ils se « parent ». Si la tentation de les parodier est viscérale, il faut revenir vers les siens pour reprendre goût au conformisme étouffant. L’adepte de la musique acoustique s’est trop longtemps hiberné. « Les gens, tu l’as dit El hadj, un jour (on ne sait plus quand et où), n’entendent que ce qu’ils voient ». Alors fais en sorte qu’ils entendent tes belles notes et voient un chanteur mieux sapé que Massigui à moins que guitare, harmonica et semences, tes principales passions, aient grevé le budget.

Idrissa Seck, Rewmi
Comme ci comme ça !
Il lui arrive de se noyer dans ses boubous traditionnels. Idy,  ce n’est pas Tom pouce. Il n’est pas bâti à chaux et à sable non plus. Disons le franchement, il est plutôt petit. L’époux de Ndeye Penda Tall doit en tenir compte. Encore plus s’il s’agit de boubou traditionnel. Avec les costumes droits qui siéent mieux à sa morphologie, il s’en sort pas mal. Pas autant que le croisé. Il ne le rendrait toutefois pas disgracieux.
Les couleurs merveilleusement assorties lui donnent une allure plus fringante. La coupe des manches de ses vestes laissant entrevoir la chemise participe à les rendre plus « griffées ». Le numéro un de Rewmi se donne, sans désinvolture tout de même, plus de liberté dans son port vestimentaire, avec parfois un style très décontracté, le plus souvent sans ses cravates qu’il noue admirablement. Le polo, il en porte également sous ses vestes avec cependant moins de fortune.
Les revers de ses pantalons sont bien travaillés. Le revers, cette fois-ci, de la médaille avec le « jardinier des rêves » d’Abdoulaye Wade, c’est quand il enfile les boubous traditionnels. D’ailleurs, ils le couvrent plus qu’il ne les porte. Ils « maltraitent » sa corpulence peu gaillarde. Les coupes manquent de justesse et lui donnent une allure presque anodine. Il faut y remédier car Ndaamal Cajor n’aime pas ça ! Un petit tour chez le tailleur du coin, à « Grand Thiès », pour une petite retouche lui aurait certainement permis de distancer son « ami » Macky. 7/10. 

Célébrités et sape 3

Souleymane Faye, musicien
Jules failles
Les habitués des soirées de Souleymane Faye ont certainement une fois entendu cette facétie: « Avant, quand on chassait le chat guettant l’os qui traîne, il détale. Avec la conjoncture, il répond à son empêcheur de tourner en rond "ki loumouy wakh ni" (qu’est ce qu’il raconte le gars ?) ». Ce n’est pas seulement le chat qui souffre du contexte économique mondial. Les frusques  de l’interprète de « Sogui » ne grèveraient pas le budget de quelques braves et bonnes gens des « prisonniers de Troyes ».  Jules chante le beau. Il a même loué les qualités de la belle dame qui faisait ses adieux et l’autre, Aminata, qu’il aimait mais qui le rebutait.

Qu’il porte une valise sur la scène au beau milieu de sa performance, qu’il nous rappelle nos vieilles  inclinations vestimentaires « dénudées », n’en font donc pas un loufoque. Il a juste choisi de s’ajuster moins, de s’accoutrer plus qu’il ne s’habille, de porter des lunettes plus grosses  que celles de l’arrière d’un véhicule, d’avoir une coiffure négligée.  Il lui arrive, dans ses extravagances artistiques, de se « parer » comme un génie (ce qu’il est) amateur de vieilles fripes. Le génie, il est insaisissable. Il ne faut pas croire à sa folie, ni à ce qu’il laisse transparaître. A une de ses soirées à Mbour, nous fûmes surpris d’entendre Souleymane dire ceci à un fane qui voulait se prendre en photo avec lui : « le selfie, ce n’est pas pour les gars qui n’ont pas bonne mine, "soril ko" ». Son image, le « musulmenteur » y tient plus que ses « inconvenances » ne le laissent penser. La polit-il davantage que sa communication osée dans une société du paraître où la différence est la première cause de la marginalisation ? C’est une question qu’il ne se pose peut-être pas mais dont la réponse pourrait faire qu’on entendît moins cette lassante rengaine : « et pourtant, il chante bien ». Nos distingués snobs, autant que la vieille garde qu’il a enchantée, se délecteront davantage de sa merveilleuse musique que de ses « écarts de goût ».

Serigne Dia Bombardier, lutteur
Roi de l’arène, roitelet de la sape
N’allez pas chercher très loin. Le colosse de Mbour vous agace pour deux raisons. Il démythifie vos héros. Bombardier (celui qui lui a soufflé ce pseudonyme n’a pas rendu service) vous a fait découvrir que Tyson tenait beaucoup à son minois et à ses molaires et canines. Que Balla, le chouchou des groupies, fait bombance et s’embourgeoise. Que Modou Lô, on peut le couver comme dans un nichoir bien qu’il apporte de la fraîcheur dans un milieu où Gargantua et Hercule seraient moins tournés en bourrique que célébrés. C’est le gars qui se fait la peau du champion pour se la faire piquer par celui qu’on ne croyait pas pouvoir soulever son veston. Mais le roi des arènes, ancien briseur d’arêtes, contrarie davantage par ses « tenues d’apparat ». Ça effarouche autant que sa malhabile « carcasse ».
On peut se mouvoir comme un bulldozer (nos excuses Monsieur Bulldozer), se coiffer comme un collégien aux narines envahies par la coke (merci Sidy Le Soleil), ressembler au portail d’un bunker et se dire « vraiment, moi là, B52, je vais être plus chirurgical que le bombardier américain au pays d’Aschraf Ghani » ! Ce n’est pas difficile. Héraclès en a fait plus. Le problème est moins dans le croisé, le deux ou six boutons, le cintré ou le droit, il est dans le choix des couleurs, dans la posture, dans cette démarche peu altière (Sur ce point, il peut faire un tour chez son souffre-douleur, Tyson, s’il ne prend ses jambes à son cou). La personnalité que confère un costume est moindre par rapport à celle qu’on veut dégager soi-même. Le diable…le chic plutôt, est dans les détails. Il suffit juste de savoir les assortir pour qu’ils ne s’égarent pas dans un corps à dompter comme on le ferait avec un buffle dans une représentation de danse classique. Le corps en parfaite harmonie avec la mise, le sourire…et la coiffure (les Béguines ont de la marge). Franchement Bomb, même les caricaturistes de Chaka, le Zulu, ont fait mieux que ton coiffeur. Il faut le virer (tu trouveras un job mon gars, il te fait de la mauvaise pub !).
4/10. Au moyen âge, la note aurait certainement été plus à la mesure de ton talent (ou de ta masse) car paraît-il, on aimait ceux qui, quoi qu’ils fissent, laissaient transparaître le burlesque, le mauvais goût. C’était pour se désopiler après avoir trimé. On sait que tu as la carapace dure. Tu t’es fait bastonner par le colosse du Baol cuit depuis dans l’huile de la Suneor (takh ci ripp !).Cela ne t’a pas empêché d’être roi des arènes. Nous comptons sur ton sursaut d’orgueil pour arrêter de prendre l’horreur pour de la grâce.

Palla Mbengue, homme d’affaires
Pâle Mbengue
Un matin (pour faire romantique, c’était le soir), alors que les sénégalais friands de spectacles son et lumière s’extasiaient devant la magnificence de la chorégraphie Goumbé et Ndawrabine (danses lébou pour nos parisianisés), Palla se mit à l’écart. Quelques « copies pissées » le suivirent, sortirent les calepins et les plumes, tendirent les micros et fixèrent les objectifs sur lui (Et il aime ça !). Le patron de « Lébougui voyage » fit une grande révélation : « J’aime les Lébous, c’est ma vie ». Peuh ! Et puis, il pleura si fort qu’on eut cru à un « show d’adieu ». La plus insensible des jouvencelles aurait succombé à son charme -ses sanglots, nous voulions dire- à moins que sa tronche et sa mise ne la désenchantent. Paventinus n’aurait pas aimé qu’il s’acoquine avec ses mômes. Usons d’euphémismes, le « garçon » est émotif. Il pleure comme une madeleine. Avec Palla, ça frime plus que ça ne rime ! Ça lui fera de la peine mais entre « peuples de la mer » (c’est le machin qu’il a dégoté depuis que la lutte ne rapporte plus et que Cheikh Kanté lui a enlevé la sucette), il faut qu’on se dise certaines choses quand même.
La première, c’est que quand on porte un joli costume (encore un euphémisme), on n’est pas obligé de mettre une cravate aussi grosse que l’accordéon de Pablo Moustafa. C’est comme la chienlit des chutes litigieuses de ce qu’on a appelé ici « sport de chez nous ». Ça va dans tous les sens.  On tombe en transe. On crie sa joie. On ressasse sa poisse (ésotérique). On (se) cogne. Et puis, on oublie l’essentiel ; communier avec soi-même en se gaussant du génie ridicule pour rendre grâce au Ciel d’être de l’autre coté de la barrière. On ne s’habille pas pour se couvrir le corps seulement, c’est pour être en harmonie avec celui-ci, dompter ses imperfections et farder ses traits qu’on n’ignore pas qu’ils auraient pu être mieux sculptés par le Seigneur. Il suffit juste de lire le monde plus qu’on ne se regarde le nombril (Contraste saisissant avec les ministres légèrement habillés et Palla paradant, avant-hier, sous ce chaud soleil de la plage de Yarakh où seules ses bottes, « pour étaler sa très grande compassion », semblaient rendre compte du sinistre).
La deuxième chose... Non, arrêtons-nous en là avant que le promoteur de lutte ne déprime dans la solitude de sa chambre. Mais rappelons-lui cette légende de l’antiquité. Dans la mythologie grecque, Athéna écorcha vif Pallas le géant (comme qui dirait…) et fit de sa peau une cuirasse qu’elle revêtit…L’histoire ne dit pas si elle la rendit plus impressionnante. Il arrive que la camelote, dans certaines circonstances, fascine davantage que le luxe (ou de ce que l’on croit en relever). 6/10…pour cette âme sensible que « nous, peuples de la mer, aimons aussi ».



lundi 9 novembre 2015

Célébrités et sape 2

Joe Ouakam, artiste
Hey Joe, c’est joli et ça parle !
Le chic choque ou enchante autant que la loque. L’essentiel est que ça nous parle. Il y a de ces créatures si peu évidentes à percer, aussi malaisées à décrypter que les « délirades » de San Antonio. Elles vous inspirent compassion ou admiration –ou les deux à la fois- selon votre sensibilité. Ces individus (ou individualités) ont ce côté obscur parce qu’engluées dans un personnage (ou démon, et pas celui-là fictif) dont elles ne peuvent se départir. A un moment, face à nos frustrations légitimes (c’est exaspérant de poser des questions sans réponses), nous les nommons « fous du village ». Ils sont ceux que nos vieilles mamans férues de « xawaare » et de goûts extravagants épient pour murmurer « ndeysaan ». Car, il est venu à l’enterrement, au mariage, au baptême, bref, dans nos affligeantes cérémonies (s’il y va), avec ses frusques ; ce qu’il sentait que son corps et son esprit affranchi voulaient enfiler. Ce n’est pas seulement « une révolte contre les usages reçus et les costumes », pour parler comme Louis Maigron, encore moins cette ardente envie d’exister des êtres esclaves de leur égo, Issa Samb, alias Joe Ouakam, est juste différent, pour ne pas nous triturer inutilement les méninges. C’est un grimoire. Autant laisser les sorciers s’en donner à cœur joie.
Cet artiste singulier effraie les mômes avec sa barbe, sa moustache, ses lunettes aussi grosses que des jumelles et ses nippes plus impénétrables qu’un dédale ou les premiers films de son ami d’outre-tombe, Mambety, autant qu’il enchante ceux parmi nous qui « s’éprennent de frivolités » (en attendant la maturation, nos peintres, sculpteurs… et leurs suiveurs devront s’y faire).
Quand Sembène Ousmane montrait la volupté nègre à travers les seins de la négresse dans nombre de ses productions cinématographiques, on s’en offusqua d’abord. Et puis, on célébra son génie, comme on le fit pour le cran de Joseph Gaï Ramaka. Joe Ouakam déroule un film dans lequel, le caprice vestimentaire est permis. C’est sa pagaille, comme celle qu’on trouve dans sa cour. Devrions-nous peut-être nous inspirer de lui ? S’habiller comme nous sommes au-delà de nos asphyxiants préconçus. Que la mini-jupe ne soit plus le truc des libertines par exemple. Il paraît que nos aïeux (les femmes) s’habillaient plus « sexy », plus court que la dame du monument de la renaissance. Quand on laisse la nature, le temps et le libre arbitre faire son œuvre, on se chamaille moins sur des futilités. Le petit voile n’est-il pas passé d’étoffe exclusivement islamique, sous nos cieux « syncrétiques », à effet de mode, de style pour certaines jouvencelles et dames peu dévotes ? (Excusez-nous d’aller dans tous les sens. C’est à l’image de celui dont on est censé parler).

Exceptionnellement, nous ne délivrons pas de note à cette « célébrité ». Elle est à part. Ce sont deux êtres complices : Issa et Joe.

Farba Senghor, PDS
Farba, pas mieux sapé que Ngoutout, la grue !
Dans le malheur, dans la déchéance et la solitude du perdant, on peut compter sur ses vrais amis, sa famille ou sur cet individu labélisé « mascotte » du coin (Bo diaddè premier kogn rek, am na benn waay boufay took). C’est le gars zélé dont on ne se rend compte de l’utilité que quand il ne sera plus là. Il veut continuellement se le prouver, afficher sa toute servitude devant le maître et tous ceux qui le prendraient pour le présomptueux « chambellan » sans grande ambition mais qui, seul dans son dialogue intérieur, essaie de trouver le fil de sa vie, de retrouver l’estime de soi. Notre homme cherchera à mieux paraître, à parodier le maître, à se gargariser de sa proximité avec celui là qui ne s’est jamais demandé ce qu’il représentait. A nos yeux, le chargé de la propagande du Pds (c’est quoi ce machin vieillot !) est un homme d’honneur. Pour les esthètes et autres « minettes étourdies », grandes dames pompeuses et messieurs soigneux aux amours et goûts insolites, Farba (pas l’autre qui berce Prési en criant), c’est juste cet être là qui foule aux pieds l’aura du chic sénégalais (Pardonnez-nous notre chauvinisme, il est parfois exaspérant).
L’ancien ministre sous Wade (ministre, cette tétine qui fait larmoyer les grands « garçons ». Ne pleure pas Moubarak Low !), égaye ou agace par le verbe. C’est selon. Sa mise, moins que sa tronche ramollie par des lunettes-à-verres-correcteurs intello (Ne vous sentez pas offensés, intellectuels pédants), fait également qu’il n’est pas ce « type » qui enchante les cœurs s’abandonnant aux jouissances esthétiques. La mégalomanie de Gorgui Laye, il la parodie en enfilant des costumes dans lesquels un mastodonte  ne se serait pas senti à l’étroit. Les manches tentent désespéramment de s’accointer avec les genoux alors que les revers entonnent un solo de détresse pour avoir été laissés à eux-mêmes. Les chemises, pas plus stylées que celles à rabats des magistrats, se dressent contre la torture sans avoir les moyens de leur politique parce qu’« engoncées » dans une « bâche » (veste si vous voulez) laissant entrevoir une corde traumatisante (vous pouvez aussi appeler ça cravate).
On dit du volailler de Ngoutout, dans nos chaumières, qu’il a la « constance » du jardinier » (plus que celle que nous narre John Le Carré dans son roman du même nom). Les Sénégalais - depuis que nous sommes devenu leur porte-parole - ne s’en offusquent point tant qu’elle traduit l’attachement viscéral à des principes politiques (ou à la figure tutélaire). Mais, il y a parmi eux qui aimeraient vraiment que tu soignes un peu ta mise quoi Farba (On peut te tutoyer, c’est plus fraternel) ! Il y va de ton intérêt. Qui sait ? Peut-être que ça te permettra d’engranger quelques voix pour Karim ou de déboulonner Aliou Ndoye au Plateau (puisque tu refuses de te présenter à Nguéloul). Pour ne pas en rajouter à tes malheurs (il a été délogé par son bailleur), nous te filons la note de 5/10. Mais tu devras suivre les cours de vacance de Serigne, le socialiste.

Coumba Gawlo Seck, musicienne
Coumba, la Grande royale
La grande royale « tient tête » aux hommes à une époque où on leur enlevait les bottes comme on le ferait avec un lutin à la maternelle (Mais il parait qu’il y en a toujours parmi les mâles qui en tirent gloire). Dans la description de Cheikh Hamidou Kane, il y a moins d’ambigüité sur la figure imposante de la bonne dame. Elle n’est pas de ces créatures chauvines attachées aux certitudes légitimatrices des privilèges d’une coterie qui voit, dans toute évolution, la remise en question des valeurs « tribales ». La culture occidentale était, pour cette dame de fer (on appelle ainsi certaines femmes qui ne passent pas tout leur temps à être aux petits soins, à médire, à farder la tronche…) quelque chose à percer pour s’ancrer dans la nôtre. Elle utilisait le tam-tam pour appeler les hommes. Coumba Gawlo Seck les alerte par sa voix…et le tam-tam. Et si Cheikh Hamidou Kane nous présentait en définitive la femme « idéale » voyageant à travers le temps sous plusieurs traits ? Parce que Coumba aussi s’habille royalement comme l’immense oratrice des Diallobé. Coumba, ne nous a-t-elle pas si souvent sublimés par le verbe, plus que beaucoup de nos pies écervelées ? Elle nous apparaît toujours plus éclatante par son port altier, sa posture certaine et commode. Grand yi gno amoul fit rek ! Le message est explicite mais face à des froussards, c’est sans espoir…Bine bine, ma yeur liga yor, sa lii sa lè, Amadou, kouy feugg, elle a tout fait. Elle s’est même une fois rasée pour appâter les poissons approchant le rivage. Les poissons d’eau douce peuvent s’abstenir. Serait-ce Ablaye Seytané, le satan, qui lave l’affront infligé par une impétueuse « gamine » qui osa le tancer ouvertement ?
Allez ! C’était une petite digression pour booster mes « grands » ! En tout cas, Ndiombor est en train de faire des démarches pour son « poupon ». Coumba s’y est même rendue récemment, parée de ses plus beaux atours. Mais ça, ce n’est pas nouveau. L’interprète de Pata pata est incollable dans ce domaine. Elle a la délicatesse, le dandysme des Gawlo et la coquetterie (pas celle là des nouvelles assidues des salons de beauté) sans simagrées, toutefois, de nos cousins gaulois (la caricature est permise là-bas, ici aussi, donc ça peut passer). On a l’impression que tout va avec sa « longiligne carcasse » et cette peau qui n’est pas suppliciée par les produits « toubabisant » sous nos tropiques. Son « éclat impérieux », pour parler comme le « louangeur »  de la Grande royale, traduit davantage sa personnalité que les fringues qu’elle enfile merveilleusement bien. Et si les poupées (bien qu’aguichantes !) s’en inspiraient pour ressembler moins à des « femmes objets ». 9,75/10, sans possibilité de recours devant la Cour suprême pour les êtres soupçonneux !