dimanche 20 mars 2016

SénéGALE, fepëy xasan (texte réchauffé)


Un bon ami, un tantinet fielleux, s’en prenait souvent aux Sénégalais qu’il trouvait tortueux. Plus que toute autre vilenie des animateurs des 250 partis politiques et des poussières, la question de la transhumance lui inspirait une certaine répugnance. Il me disait souvent, pour s’en offusquer, que les « transhumants » politiques ne débarquaient pas dans des prairies plus vertes avec un cheptel. Ils sont escortés et célébrés par des Sénégalais qu’ils y paissent.  La cohorte indignée poussant des cris d’orfraie est souvent celle-là qui s’apitoie sur sa propre infortune ; celle d’avoir été moins bien servie. Ce réquisitoire dressé par mon ami que d’aucuns qualifieraient d’aigri, donne matière à réflexion sur le vieux tube d’été de wade, « wax waxeet », remis au goût du jour par Macky.
Il y a quelque chose de cocasse dans cette histoire de reniement. La « vertueuse» société  s’émeut d’une infamie dont elle se couvre allègrement. Elle porte en triomphe « ñi man polotik », joli euphémisme voulant dire « baratineurs éhontés ». Je racontais, à mon tour, à cet ami les "bourlingages" politiques de mon grand-père. Celui-ci me ressassait sans se lasser la belle époque senghorienne « diamano toussé cornobof » (corned-beef). Il me parlait aussi d’Abdou Diouf avec émerveillement et conviction.
Je m’étais fait une religion : mon grand-père, connu pour son engagement politique que n’égalait que son illettrisme embarrassant, était un socialiste invétéré, sûr ; si socialisme il connaissait. Il avait la réputation d’être un « bon politicien » et embarquait souvent les ingénus vieux flemmards. Hélas, Wade est celui pour qui il s’est également battu pour sa réélection en 2012 avec une telle ardeur qu’on eut cru à un décret divin. Aux dernières nouvelles, de son lit d’hôpital, il a déposé son baluchon chez sa majesté Sall.

Il ne faut pas s’étonner donc que le président de la République ne donne pas plus de valeur à nos petites règles de bienséance si souvent chantonnées par les premiers transgresseurs, les Sénégalais. Les exhibitions des « zélés » de la couronne et les exaltations des louangeurs de la cour –ils sont dans leur rôle- ne suscitent pas l’émoi outre mesure quand le verbe ne traduit pas la vérité ; cette « agonisante  » vertu dont les Sénégalais si friands de moralisme s’entichent de moins en moins. Suprême paradoxe pour une civilisation d’oralité. Il fut un temps où la parole donnée tenait lieu de signature. Aujourd’hui, vous pouvez jurer sur tous les Saints et promettre la tête de votre mère et la dignité de vos aïeuls, vous ne ferez qu’en rajouter à la réticence de vos interlocuteurs.
Si le peuple n’a que les hommes politiques qu’il mérite, portons alors le toast à l’honneur de l’alliance pour la fourberie et le reniement. Comment nous avons appelé ça ? Wax waxeet ! Nous faisons semblant de nous en offusquer. Mais nous le chantons, nous en rions. ! Nous aimons ce côté pernicieux de ceux qui le répandent.
On pouvait espérer l’éclaircie de certains « enturbannés » au verbe mystificateur dont l’immixtion dans le jeu politique ne montre que l’étendue du mal. Que dire de la société « si vile », ce luxueux château de recyclage pour politiciens en mal de succès ? Les accointances avec les politiciens qu’ils vouaient aux gémonies, de l’opposition comme du pouvoir, ne traduisent que la versatilité, pour beaucoup du moins,  de leurs causes. Mais, ils ne sont qu’à l’image de ceux qu’ils prétendent défendre, les Sénégalais si peu fiables. Deuk bi fepëy xasan !


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire