Une
de mes connaissances d’une touchante générosité, mari d’une femme peu
précautionneuse, se tape de moins en moins la cloche. Cet ex-rupin, grand
pourvoyeur de petites délices, bienfaiteur du chat et de la souris, des gueux
(au propre et au figuré) et des hommes de cour de son apprêtée épouse, rase
piteusement les murs. Les commères et leurs « potes de potins » s’en
délectent joyeusement avec leurs petits « ndeysaan » de
commisération. Ses enfants ont désormais pris un abonnement chez le
gargotier !
Le
matin au moment d’aller à l’école, le boutiquier du coin si peu discret, donne
quelque menue monnaie (en attendant que le géniteur retrouve sa santé
financière !) à l’un d’entre sa progéniture qui ne le regardait pas avec
dédain. La petite chichiteuse du vieux désargenté devient subitement tendre, moins
hautaine. Ses frères fréquentent désormais « les petites saletés »
crasseuses jouant pieds nus avec des haillons, les Gtv (grosses têtes vides) du
quartier. Le drame est qu’il ne peut pas compter sur sa pompeuse épouse,
tournoyant toujours dans les airs de la vanité, comptant naïvement sur sa
coterie fortunée et ses repus courtisans qui ne supportaient son aristocratisme
incommodant que pour sa libéralité à leur égard.
Il
faut bien que les mômes mangent, s’habillent, se soignent et gardent un peu de
leur fierté. Au pays de Sall Ngary, sans argent, c’est un peu compliqué malgré
les bourses familiales ! La stratégie la plus ingénieuse, pour
d’ex-rupins, est de « ventiler les gosses ». Il doit bien y avoir
quelque part dans ce vaste Sénégal un tonton, une tante ou un grand ami de
leurs aïeuls qu’ils n’ont jamais cherché à connaître qui pourront se les
coltiner durant les vacances…Tant mieux si la rentrée des classes coïncide avec
la Tabaski. Les enfants vont revenir avec le nécessaire. Et si le tonton, la
tante et ce « lointain » ami sont aussi généreux que le vieux du temps
de sa splendeur, ils leur achèteront des fournitures… et du goûter. Et le tour
est joué. Le budget des toilettes élégantes de maman ne sera pas grevé !
Papa, le débonnaire, n’oserait pas d’ailleurs ! Il en a fait une reine,
amie des gens d’en haut qui ne descendrait de son piédestal pour l’innocence
d’aucun petit capricieux de sa descendance.
Au
risque de paraître égoïste, la « tactique d’éparpillement » des
enfants employée par certains chefs de famille est déshonorante. Elle abat
quelquefois la fierté de leur progéniture valsant éperdument, comme Maimouna (Abdoulaye
Sadji), dans deux mondes de valeurs disparates. Les codes de convenance,
dépouillés de toutes les fourberies, sont des moyens de raffermissement des
liens sociaux. Mais, quand, au nom d’une solidarité plus idéalisée que vécue,
on écrase l’autre du poids des devoirs non assumés, le glissement de sens est
marqué. Les réminiscences constituent un viatique pour les âmes jeunes en quête
de repères. Face aux vicissitudes de la vie, elles affirment, à travers ce
passé lointain, leur personnalité morale. Le souvenir d’un père qui s’abandonne
à la facilité et d’une mère insouciante est un accotoir fragile.
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