Mon souhait, après le
mondial brésilien, était que la Deutscher Fuβball-Bund mît fin à son
compagnonnage avec son sélectionneur Joachim Low malgré le titre. Mon intime
conviction est que ce coach avait affiché des limites criardes –quelle
prétention me direz-vous ! – mais que ses joueurs sont arrivés à un tel
niveau de performance et surtout de maturité qu’ils se
« dépouponnèrent » pour marquer de leurs empreintes l’histoire du
football allemand privé de titre majeur depuis 1996 avec l’euro anglais. Le
Sénégal, lui, n’a pas un mauvais sélectionneur. Giresse fait même partie du
gratin technique du football africain malgré quelques incohérences. Celles que
nous ressassent à longueur de journée nos « Espècialistes maison »
aveuglés par le « dogme de la prééminence » pour parler comme
l’ancien président du conseil Mamadou Dia, sont encore plus affligeantes. Mais
disons le clairement, le Sénégal n’a pas un problème de joueurs, il lui manque
plutôt des footballeurs de talent et des leaders charismatiques.
En
deux matches, le Sénégal n’a obtenu, avec beaucoup de regrets, parce qu’il y avait
de la place, qu’un point face aux aigles de Carthage. A la place d’un jeu
fluide que pouvaient espérer les férus de « foot-champagne », l’on a
eu droit à une partie stéréotypée digne d’une rencontre de CFA avec des pertes
de balles impardonnables à ce niveau, des choix incompréhensibles dans le
dernier tiers…On s’en remettait au génie de Msakni (au retour) et Mané pour animer
une rencontre soporifique. Le cœur y était mais le talent faisait défaut. Cette
équipe du Sénégal manque cruellement de génie, de spontanéité mais surtout
d’équilibre entre ce qu’elle est capable de montrer comme engagement –surtout
défensif- et les limites affichées dans l’animation offensive qui exige plus de
justesse dans les transmissions. Malheureusement, ce n’est pas nouveau sous nos
cieux. Et aucun sélectionneur n’a trouvé la bonne formule jusqu’ici. Amara s’y
était employé en utilisant des attaquants axiaux pour animer les couloirs
(Moussa Sow). Giresse s’obstine à aligner Badji sur le coté droit comme Metsu
l’avait essayé avec Sylvain N’diaye en match amical à Dakar contre l’Algérie et
face à la Zambie en 2002 avant de se rendre compte du déséquilibre que cela
provoquait. Dans le repli défensif, c’est certain que le pensionnaire de Brann
Bergen est plus utile qu’un Saivet (bléssé) ou Issiar Dia qu’on a
malheureusement très vite enterré. Mais que peut-il apporter de plus que ces
joueurs dans la production offensive ? Badji est intéressant dans
l’engagement mais pour plus de variété dans le jeu, Giresse gagnerait à
équilibrer ses listes et la composition de ses équipes. Contre la Tunisie sur
les deux matches, il n’y avait qu’un seul véritable joueur de couloir (Cheikh
Mbengue). Zargo n’en est pas un. Sadio Mané, on peut encore en discuter.
A
Dakar, contre la Tunisie, il n’y avait aucun milieu offensif sur le banc.
L’entraineur n’avait aucune possibilité de modifier l’animation offensive de
son équipe à part faire entrer des attaquants de fixation ou des milieux à
vocation défensive. Il ne faut pas espérer de Stephan Badji l’éclair de génie
dont nous a gratifiés Issiar Dia face au Cameroun à Dakar alors qu’il venait
d’entrer. Une équipe c’est une combinaison de profiles différents. Un milieu
excentré droit, quelque soit ses limites, aurait permis de diversifier le jeu
d’attaque et le rendre moins prévisible devant une équipe regroupée comme celle
de la Tunisie. Il ne faut pas attendre de trouver un autre petit Sadio Mané
pour aligner un milieu offensif de métier sur le côté droit ou chercher une
alternative crédible à l’intermittent du spectacle Dame Ndoye. Metsu avait
réussi, en 2002, avec des milieux offensifs moyens (Moussa ou Matar Ndiaye) à
trouver l’équilibre entre les phases offensives et défensives indispensable
surtout avec des attaquants de fixation (Sow, Ba, Cissé) qui dépendent beaucoup
de la production de l’équipe d’où la nécessité de disposer d’attaquants aux
profiles différents (Diafra Sakho utilisé parfois sur le coté en club, Baye
Omar Niasse qui occupait le couloir droit en équipe nationale locale et
olympique et dans une moindre mesure Babacar Khouma de la Fiorentina). L’équipe
gagnerait en mobilité et offrirait un jeu moins stéréotypé.
Giresse
fait jusqu’ici un bon travail. Il a redonné à cette équipe du Sénégal, qui
n’existait que par l’aura des joueurs qui la composent, une âme. Il faut
aujourd’hui s’investir dans la formation pour faire éclore des footballeurs
plus techniques. L’Allemagne y est parvenue avec beaucoup de succès en
acceptant de « perdre » de sa roublardise, et un peu de sa rigueur
défensive. Le profile du footballeur sénégalais est très axial. C’est ce qui
devrait être le plus grand chantier de nos « Espècialistes » qui
s’épanchent à longueur de colonnes pour vendre une « expertise » aussi
« étendue » que le parcours des clubs sénégalais en compétitions
africaines et pointue que celle de ma vieille grand-mère qui n’a jamais regardé
un match de foot de sa vie.
Les
analyses de nos « Espècialistes maison » sur le système de jeu de
Giresse –sur lequel on ne devrait pas trop s’appesantir d’ailleurs, car il ne
constitue qu’une photographie de départ et est surtout très flexible- ont
donnée lieu à un paralogisme inquiétant qui montre à suffisance que ces
personnes chargées de former nos footballeurs ne se hissent pas au niveau
d’exigence que requiert leur métier. Quand on s’érige en expert dans un
domaine, il faut se donner la peine de s’outiller en ne se calfeutrant pas
seulement dans une futile virtualité. Ce système, objet de toutes les
niaiseries, est bien connu au Sénégal. Dans une période récente, à la CAN 2000,
Peter Schnittger l’avait utilisé en associant Pape Malick Diop, Cheikh Sidy Ba
et feu Assane Ndiaye dans l’axe central de la défense. Ottmar Hitzfeld est
celui qui a eu plus de bonheur avec ce système en remportant la ligue
européenne des champions avec le Borussia Dortmund (1997) et le Bayern Munich
(2001) en l’espace de quatre ans. En Afrique, l’Egypte en est la référence ces
dernières années. Le Cameroun l’avait également expérimenté avec Winfried Schäfer…Alors
pourquoi autant de discordances, d’interrogations sur l’adaptation de nos
joueurs pour un système bien connu et de plus en plus usité dans le monde (Pays
Bas sous Van Gaal et Pep Guardiola parcimonieusement avec le Bayern cette
saison) ?
Il
est important que nos techniciens locaux mesurent la responsabilité qui est la
leur parce que leurs avis comptent. Giresse ne vit pas dans une bulle. Des
observations pertinentes comme celles émises récemment par une avérée
compétence, Amara Traoré, fondées sur la science, sur des statistiques et non
sur ce que veulent entendre quelques « copies-pissées » pour remplir
des colonnes en mal de lecteurs, donnent au technicien une meilleure visibilité
sur son travail.