jeudi 26 mai 2016

Dialogue naz-ional


Les « Colombes » et autres autoproclamés médiateurs ou entremetteurs, c’est selon, ont été bien inspirés de considérer le président Macky Sall comme le « fils » d’Abdoulaye  Wade. Il n’a pas fait que lui succéder au pouvoir. Il le parodie. Et ce n’est là qu’un doux euphémisme pour faire honneur à son rang. Le troisième président de la République du Sénégal profitait des instants solennels de recueillement pour appeler la classe politique à se réunir autour de « l’essentiel ». Ce mot n’avait évidemment pas la même acception pour tout le monde. Toujours est-il que son appel fut rarement suivi d’effets. Il n’y avait que ceux-là que les « prairies bleues » attiraient déjà qui s’engouffraient dans la brèche. Cela ne servait en définitive qu’à donner une petite dose de dignité aux adeptes de la « mobilité politique » qui ne sauraient davantage attendre d’être conviés autour de la ripaille, cet acte « hautement républicain ».
Son successeur s’y est inscrit, avec moins de faconde certes, en réaffirmant son désir de nouer le dialogue avec l’opposition récemment quand il est allé présenter ses condoléances à une responsable politique. C’est louable venant d’un chef d’Etat taxé, à tort ou à raison, d’homme impassible et intransigeant. Mais, là n’est pas la question. L’impression qui se dégage quand on parle de dialogue au Sénégal,  c’est qu’il est circonscrit autour des leaders politiques. Il est davantage fait état de contentieux électoraux, de négociations sur  les retombées éventuelles et l’avenir politique des uns et des autres. L’enjeu est  moins défini en termes de propositions de gouvernance, de gestion des affaires publiques. Et s’il ne s’agissait que de cela, l’Assemblée nationale, comme dans tous les pays où les institutions jouent leurs rôles, est le lieu indiqué pour évoquer tous les sujets concernant les affaires de la cité. C'est vrai qu'on s'y farde la tronche (pour les ex-mères mbotaay) et qu'on s'y "crêpe" le veston (n'est-ce pas Oumar Sarr ) davantage que les méninges ne sont triturés, waayé nak...!
Si le président de la République est en désaccord avec le Parti démocratique sénégalais, c’est un secret de polichinelle, l’emprisonnement de Karim Wade et les tentatives de « désagrégation » (ce qu’il est en train de réussir) de son ancienne formation y sont pour beaucoup. Ici, le dialogue ne se pose plus en termes d’orientation économique ou sociale. Il a trait aux destins individuels. Et il ne lui est pas interdit de vouloir rassembler autour de lui les forces politiques du pays en tant que chef de parti pour sa réélection même si cela pose le problème de la confusion des rôles dans l’espace public. A-t-on affaire au leader de parti ou au président de la République. Les divergences d’opinions, d’options ne sont en rien préjudiciables au fonctionnement des institutions. Cela est plutôt un baromètre de la vitalité démocratique.

S’il doit y avoir dialogue, c’est certainement avec les syndicats de l’enseignement et de la santé vers qui il faut se tourner. Toute autre entreprise n’est que jeu politique sans intérêt pour les Sénégalais qui ont d’autres préoccupations plus urgentes que les chamailles et palabres des animateurs des 200 partis et des poussières. Le désamour entre la classe politique et les populations tient au fait que le débat public n’est pas en cohérence avec les aspirations des citoyens. Les appels au dialogue ne sont que de la poudre aux yeux. Les transhumants s’empresseront de se débarbouiller le visage pour répondre aux jouissances de sa majesté. Et ils n’auront finalement servi qu’à cela.